L’informatique quantique, qu’est-ce que c’est ?
L’informatique, tel que nous le connaissons, fonctionne dans un univers formé d’une succession de 0 et de 1 qui forment les bits. En assemblant ces derniers, nous avons la possibilité d’accéder à des logiciels et autres applications que nous connaissons comme les navigateurs internet ou des systèmes d’exploitation. Pour ce qui est de l’informatique quantique, fini la suite linéaire de bits pour laisser place au qubits. Désormais, les 0 et les 1 ne forment plus une suite, ils peuvent aussi être superposés et donc être à la fois 0 et 1. De ce fait, la possibilité d’une valeur est démultipliée, ce qui permet d’effectuer un grand nombre de calculs complexes en simultanés.
À titre d’exemple, prenons le livre « Où est Charlie ? ». Un ordinateur actuel analysera les personnages à tour de rôle pour savoir si, oui ou non, le personnage est Charlie. De son côté, l’ordinateur quantique aura la possibilité d’analyser tous les personnages simultanément et permettra donc de gagner un temps fou ! Plus rapide et offrant plus de possibilités, l’informatique quantique est-elle une force ou un réel danger ? [1]
Un danger pour certains chercheurs
Dans cet avenir proche où il deviendra réel, l’informatique quantique risque d’atterrir entre les mains de personnes malveillantes et bien sûr, entre les mains d’armées qui pourraient vouloir l’utiliser pour mettre à mal les informations d’une autre armée.
Pour Nicolas SANGOUARD, physicien chercheur CEA (Commissariat à l’Énergie Atomique et aux énergies alternatives) à l’institut de physique théorique, si on dispose d’une mémoire quantique, seuls 10 000 qubits seraient nécessaires pour casser le système RSA actuellement utilisé (Système cryptographique qui est défini par une technique d’écriture où un message chiffré est écrit à l’aide de codes secrets ou de clé de chiffrement). En 2025, la société américaine IBM prévoit de lancer une machine avec un processeur d’environ 4 000 qubits. D’après plusieurs spécialistes, la mise au point de machines suffisamment puissantes pour mettre très facilement à mal l’ensemble de nos données actuelles pourrait arriver d’ici 5 à 10 ans. [2]
Après l’espace, l’informatique quantique sera-t-elle le symbole de la lutte internationale ?
Aujourd’hui, nous savons que les Etats-Unis se sont lancés dans la course à la découverte et au développement quantique par le biais du National Institute of Standards and Technology (NIST), qui a sélectionné 3 projets de travail venant d’IBM et un quatrième en provenance de Thalès. [3] En France, Emmanuel MACRON a lancé le pays dans cette course en Janvier 2021 en annonçant un investissement de 1.8 Milliard d’euros sur cinq ans avec comme objectif de sortir un prototype complet d’ordinateur quantique généraliste dès 2023 ! [4] D’autres pays, comme l’Allemagne et l’Inde, ont eux aussi annoncé s’être lancés dans ce qui pourrait être, le prochain grand défi technologique mondial.
Pour trouver le leader mondial depuis fin 2021, c’est du côté de la Chine qu’il faut se tourner avec un ordinateur quantique créé par Baidu et répondant au nom de Zuchongzhi 2. [5] Avec sa puce d’une puissance de 66 Qubits, il serait 10 millions de fois plus rapide que le meilleur super ordinateur du monde ! Avant lui, c’est Sycamore, le processeur de Google et ses 53 Qubits qui était le leader du marché. Face à la progression d’IBM (et sa puce Osprey, prévue cette année à 433 Qubits), nul doute que la situation va évoluer dans les années à venir quand le géant américain sera prêt à mettre sa machine à disposition. [6]
Un risque maîtrisé pour d’autres
En France, l’Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes et d’Information (ANSSI) a publié un avis datant du 14 Avril 2022 pour prendre position en faveur de la cryptographie post-quantique qui aurait tendance à utiliser des propriétés physiques plutôt que mathématiques (comme c’est le cas dans le système actuel) pour garantir la sécurité, comme système de protection. Initié de longue date par plusieurs organismes, ce système a connu une véritable accélération depuis 2015 suite à l’annonce de la NSA (National Security Agency – Services secrets américains) qui a dit prendre la menace quantique au sérieux.
Selon Vadim Lyubashevsky, chercheur chez IBM, il est probable qu’un jour, une armée soit en mesure, en utilisant l’informatique quantique, de trouver une clé pour casser la défense basée sur la cryptographie post-quantique développée par IBM depuis une vingtaine d’années déjà. Même s’il trouve cela possible, il semblerait que, dans la réalité, ce soit plus compliqué car les algorithmes du géant américain auraient été testés et re-testés par la NSA et les services secrets Israéliens, en vain jusqu’à maintenant ! D’après ce chercheur d’ibm, si un ordinateur venait à être capable de casser la défense actuelle, leur défense aurait évoluée entre temps, ce qui rendrait l’attaque inutile. Notons que les premières briques de ce nouveau système de défense devraient être posées dès 2024. [7]
Dans son rapport du 14 avril 2022, l’ANSSI ajoute que la distribution quantique de clé, qui pourrait être l’autre solution, ne serait pas « le chemin naturel des communications sécurisées ». Ces clés quantiques, contrairement à la cryptographie post-quantique, ne reposent pas sur un système mathématique mais sur un système physique. [8]
Dans l’idée, l’ANSSI recommanderait des solutions hybrides combinant les clés publiques pré-quantique et un algorithme post-quantique. [9]
Une menace contrôlée pour l’avenir de la cyber-sécurité
Vous l’aurez compris, de nombreux pays travaillent depuis des années sur un nouveau système de défense ayant pour objectif de se protéger de la menace quantique en devançant les évolutions à venir face à un système qui devrait connaître des progrès exponentiels dans les années à venir. Nul doute que certains auront une longueur d’avance dans cette nouvelle ère de la technologie.
[1] ZD Net : Tout comprendre à l’informatique quantique
[2] Nicolas SANGOUARD « L’odinateur quantique représente déjà une menace »
[4] La France se lance dans la course à l’informatique quantique
[5] Un processeur chinois plus puissant
[6] Thalès et IBM pour résister à la menace quantique
[7] Entretien de M. Lyubashevsky
[8] ANSSI anticipe sérieusement la menace quantique et adapte ses visas